La francophonie aujourd’hui : deux voix

1. Première voix

Au bout de trente ans, la mondialisation économique soulève des questions concernant la diversité linguistique et culturelle sur la planète. Grâce aux nombreux moyens de communication qui sont des fenêtres ouvertes au monde, les individus ont pu mieux comprendre ce monde, une évidence de ce que la mondialisation est aussi économique que culturelle. Dans ce cadre d’ouverture des sociétés, la mondialisation peut signifier la perte d’identité pour les sociétés les plus pauvres, d’où surgissent des conflits par rapport aux différences culturelles. Il faut apprendre donc à gérer les différences tout en mettant en cohabitation la diversité de la planète.

La francophonie et d’autres domaines linguistiques et culturels amènent les peuples à une identité de relations, puisqu’elles leur permettent de faire des échanges de valeurs et de mettre en contact leurs différences face à la possibilité de la fermeture qui aujourd’hui peut devenir dangereuse. Le partage et le respect de la différence conduisent obligatoirement à une communication où l’échange d’informations tient compte de toutes les voix possibles, sans lesquelles il est impossible à la francophonie de faire cohabiter les différences. La francophonie est l’espace potentiel des échanges, des dialogues et de la rencontre des cultures diverses sous une langue qui représente un imaginaire, un regard vers le monde, toujours en prenant en considération toutes les histoires, les peuples et les déplacements de conscience. Elle pourra être l’un des protagonistes de la diversité culturelle, pourvu que les stéréotypes négatifs de la colonisation soient dépassés et que les pays puissent ouvrir leurs mémoires et les faire entendre. La société civile sera la protagoniste dans l’engagement pour la francophonie, un projet conçu dans la vague de la nouvelle mondialisation qui a pour but de mettre en relation plusieurs identités fraternelles au sein d’une langue commune.

2. Deuxième voix

Je ne mets pas en doute le changement de conscience que la France doit entreprendre aujourd’hui pour s’ouvrir aux différences qu’auparavant elle a tant combattues. Néanmoins, s’il existe véritablement un tel projet altruiste de francophonie, il faut par-dessus tout comprendre qu’il n’y a plus un protagoniste, un centre (la France et la langue de Paris), mais plusieurs protagonistes, plusieurs centres, c’est-à-dire, il n’y a plus une langue française, mais plusieurs langues françaises.

Même si, par exemple, le slogan de la TV5Monde – celle-ci clairement engagée dans ce projet de la francophonie – montre cet état de conscience, la chaîne émet des émissions presque exclusivement françaises et québécoises. Où sont les émissions maliennes, sénégalaises, congolaises, haïtiennes ? Ou ces peuples ne servent que pour faire figurer les annonces-amorces qui démontrent au monde que la chaîne s’occupe d’eux ? De plus, qu’est-ce que la francophonie va faire des autres plusieurs langues vivantes dans les frontières arbitraires des anciennes colonies ? Et les richesses culturelles que ces langues représentent ? Je pose des questions, car  il me semble que personne n’est encore capable de répondre à une seule convenablement.

Si, au lieu de choisir parler français, un non-francophone est contraint à le faire pour que, disons, il puisse mieux profiter des avantages offertes par la langue du pouvoir, la francophonie deviendrait une violence et ne lui servirait à rien. Si j’ai choisi d’apprendre la langue française, cela ne veut pas dire que j’ai choisi de servir à une autre culture que la mienne, mais bien l’inverse, c’est plutôt la langue qui va servir à ma subjectivité. On ne parle ni n’apprend à parler une langue pour s’anéantir. Ce sont des sujets qui doivent être débattus quand on fait face à des projets de politique linguistique qui touchent nécessairement les identités et les mémoires des peuples si différents.

Lorenzo Baroni Fontana

Published in: on 16 mars 2013 at 18 h 15 min  Laissez un commentaire  
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