Aller au ramassage

D’emblée, c’est tout simple. Une invitation pour aller à la ferme de mon oncle le plus âgé, celui qui garde encore l’haleine et les gestes des vieux immigrants Italiens qui étaient venus refaire leur vie sous un régime d’agriculture vivrière. Mon père s’engageait avec un enjouement presque puéril à ces promenades d’après-midi au cours desquelles on récoltait des raisins et des figues. Avec mon acquiescement inattendu à prendre part à cette aventure des temps révolus, j’ai vu croître l’enthousiasme dans l’allure de mon père, tout en me disant que cette rencontre avec un rite de mes aïeux allait me faire du bien.

Plusieurs virages et on arrive à un petit carré de terre en pente, coincé entre une colline et une rivière. Les nuages gris annonçaient peut-être déjà une giboulée d’été, saison douce dans cette région de collines. Si dans la capitale, il arrive à faire 35 °C en milieu d’après-midi, ici les thermomètres atteignent à peine les 27 °C. Deux corbeilles rondes en osier brut servant à recueillir les fruits sont rapidement sorties de la vieille Chevette durcie d’avoir tant roulé sur les pentes.

Le ramassage commence sans hâte, tout doucement, alors qu’une sorte de ramollissement gagne mon corps devenu nonchalant. Il vaudrait mieux découvrir l’endroit, tâcher de monter le terrain pour le voir de haut (attention quand même le chemin n’est pas si sûr). Je contemple la beauté tandis qu’ils travaillent. Le malaise qui s’est emparé de moi en me tracassant et en me reprochant que j’ai toujours été croupissant me laisse complètement indifférent. Voir toute cette verdure me rendait tranquille et m’émouvait. Un peu d’appartenance m’a assiégé.

Lorenzo Baroni Fontana

Published in: on 20 décembre 2013 at 0 h 08 min  Laissez un commentaire