Journal de bord (sixième partie)

Et après tout, je continue de me demander, je continue de me révolter contre tous ceux qui gâchent ce monde humain qui aurait pu trouver une voie plus juste, plus sensible, plus cohérente pour poursuivre son évolution. Si une catégorie professionnelle décide pour la grève afin de revendiquer quoi que ce soit, il est naturel que les membres arrêtent leur fonction, si ma cervelle n’a pas été ravagée par le feu du labyrinthe du paragraphe précédent – il se peut bien, quoi ! Et bien, les professeurs du secteur de Lettres ne sont pas de cet avis, du moins la plupart d’eux, même après avoir voté pour la grève, un déluge de compositions tombant sur nos carcasses dessoudées. Je me figure que ces esprits singuliers touchés et nourris par la plus fine fleur de l’art littéraire tiennent à contester la loi de la logique, puisque le vers bien retouché avant tout. Qu’est-ce que je suis encore naïf, je n’ai pas encore suivi mon « Éducation Sentimentale », les circonstances de la vie vont s’en charger ! Je disais que la carrière académique avant tout, vive le pouvoir de la hiérarchie ! … Laissez-moi tranquille avec mes programmes de Master ! Dès que vous aurez passé votre soutenance de thèse, vous ferez votre entrée dans le monde intouchable de la Raison sans raison. Ils veulent me foutre la gueule avec leurs histoires. Cette bulle magique leur ouvre le droit à l’incohérence. Et c’est ainsi que les professeurs qui votent pour la grève ne souhaitent pas rater la montée de leurs carrières individuelles. Stupidité ? Ils croient sans doute que nous sommes stupides, à force d’être usés et utilisés inlassablement en tant qu’instruments, en tant qu’échelles de leur ascension, boucs émissaires. Ce sont ces pensées injurieuses qui occupent mon esprit dans cette soirée du 3 juin 2014, où un puissant front froid accompagné d’une implacable masse d’air glacial viendra se précipiter sur l’assemblée de la Raison, en troublant et en engourdissant leurs cervelles distinguées.

Aujourd’hui, j’ai été sûr d’avoir bien fait de lâcher cette bourse, je ne regrette nullement, je n’ai pas été fait pour ça non plus. Pour quoi ai-je été créé ? Juste pour sentir, sensibilité pour moi, sensibilité pour les autres. La langue française cause avec la langue portugaise tout en arguant que le monstre qu’elle assujettit dans mon inconscient, malgré cette dernière, est déjà développé à un tel degré qu’il serait temps qu’il prenne son essor et qu’il s’en aille pour me faire venger ou pour me laisser en paix. Devenu une fabrique de petits monstres. Dans ce milieu, qui ne manque jamais d’hypocrisie d’ailleurs, tout le monde se laisse emporter par la peur, une peur issue d’une relation hiérarchique injuste mêlée à un peu de respect et à pas mal d’embarras. Je vois cet amalgame de mauvaises sensations partout, je l’ai vu sur la gueule du mec qui parlait à son « maître » ce soir, abus de faiblesse. Aujourd’hui, j’ai été sûr d’avoir bien fait de lâcher cette bourse. Je prends contrôle de ma vie. Je tue, si nécessaire, je puis être monstrueux, parce que la vie m’a fait découvrir ce côté venimeux avec lequel elle châtie ses insoumis. Indocile, insubordonné, je vomis ! La peur qui vous caractérise, je n’en sais rien, je n’y reconnais pas ma conduite. Plusieurs réussissent. La plupart, sans doute. Lâchez-moi ! Je… Il ne faut pas que je me calme ! Une épopée trop souvent caricaturée, déformée, malmenée. Sa fin tragique ne fut que le fruit d’une oppression sociale constante et cruelle à laquelle il dut faire face au quotidien pendant un quart de siècle. Au-delà de ce destin effroyablement pesant… il ne reste que la haine et la pomme. C’est pour vous montrer combien je suis détraqué.

Photo de moi 8

Lorenzo Baroni Fontana

Published in: on 29 juin 2014 at 5 h 10 min  Laissez un commentaire  

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