Sur le terrorisme en France et dans le monde : quelques brèves considérations

Condamner le terrorisme et les extrémismes politiques et religieux s’avère, cela va sans dire, essentiel et indispensable. Pourtant, ça ne suffit pas. Il est impératif d’entreprendre une quête des causes plus profondes de l’intensification du terrorisme au cours des dernières décennies.

Il s’agit ici d’un terrorisme qui, de nos jours, frappe avec beaucoup plus de vigueur et avec des conséquences plus inquiétantes les populations des pays du Moyen-Orient et de l’Afrique, dans des actions perpétrées par plusieurs mouvements intégristes, comme celui commis par le groupe islamiste Boko Haram qui est récemment survenu au Nigéria dans lequel on estime que 2000 personnes ont été tuées, sans compter les milliers de réfugiés.

Les puissances occidentales devraient se faire une autocritique concernant les actions qu’elles mènent, depuis des années, dans le Moyen-Orient et dans le nord de l’Afrique, deux régions abondantes en pétrole.

Et encore dans des régions du centre et du sud de l’Asie, comme l’Afghanistan. Il est bien de rappeler que les États-Unis ont soutenu, à la fin des années 70 et pendant les années 80, des groupes intégristes musulmans qui luttaient contre une dictature de gauche soutenue par l’ex-URSS (dont l’armée a occupé le pays de 1979 à 1989). Le taliban prend sa source dans des groupes extrémistes soutenus et armés par les États-Unis. Le pays est désormais plongé dans une guerre civile depuis bien d’années et a connu plus d’un million de morts, d’après des estimations.

En d’autres termes, des forces états-uniéennes sont impliquées dans la montée et la chute des talibans, comme c’est le cas aujourd’hui avec des groupes armés en Syrie et en Irak. Ces groupuscules extrémistes sont profitables aux intérêts des puissances occidentales lorsqu’ils s’opposent à des gouvernements hostiles à l’Occident, comme le gouvernement socialiste afghan (1978-1992) ou les dictatures laïques de Bashar el-Assad, en Syrie, ou de l’ex-président irakien Saddam Hussein. Il faut rappeler que les gouvernements du parti Baas arabe socialiste, parti des Asaad (père et fils) et de Saddam Hussein, une fois arrivés au pouvoir en Syrie et en Irak à partir des années 60, ont nationalisé le pétrole, en suscitant la colère des puissances occidentales.

De plus, les États-Unis soutiennent des dictatures et des monarchies absolutistes dans la région, comme en Arabie Saoudite, à condition que ces pays gardent une alliance avec Washington. Et l’Arabie Saoudite figure parmi les pays qui ont livré le plus d’armes et de munitions aux rebelles syriens. Des armes qui, bien évidemment, sont en possession des extrémistes.

Bref, il ne suffit pas que les puissances occidentales condamnent le terrorisme et augmentent l’effectif des forces chargées de la lutte contre la terreur intégriste afin de l’abattre. Il faudrait plutôt réviser et repenser la politique extérieure menées dans la région, qui sert les intérêts économiques et géostratégiques liés au pétrole. Mais cette révision aurait-elle de l’intérêt ?

Les interventions des puissances occidentales au Moyen-Orient et dans le nord de l’Afrique provoquent, depuis des décennies, des humiliations, de la haine et des insurrections qui se répandent et touchent d’une manière sans précédent des centaines ou des milliers d’Européens, notamment issus de l’immigration des anciennes colonies anglaises et françaises.

La France, l’Angleterre et d’autres pays européens doivent chercher maintenant la compréhension de ce phénomène nouveau : des jeunes nés et élevés en Europe qui se sentent encouragés à s’associer à des groupes extrémistes. Je rappelle par ailleurs que les actions terroristes en Europe ne se sont pas développées à partir des groupes intégristes musulmans. Il suffit de se rappeler les actions de l’Euskadi Ta Askatasuna (ETA) en Espagne, de l’Armée républicaine irlandaise (IRA) au Royaume-Uni etc.

Les puissances occidentales, en résumé, sont également responsables de la hausse du terrorisme dans le monde, ce qui la presse occidentale évite de reconnaître.

L’existence et les actions des groupes intégristes musulmans ont, dans leurs racines les plus profondes, de différentes motivations. Parmi elles, je l’affirme, se trouvent le colonialisme et l’impérialisme, deux mots qui ont quasiment disparu de la presse occidentale, comme si ces phénomènes historiques n’avaient jamais eu lieu ou comme s’ils n’avaient aucun rapport avec les épisodes actuels.

Il est évident aussi que le terrorisme trouve des explications intérieures à des sociétés marquées par des régimes dictatoriaux brutaux, exclusion sociale, pauvreté, inégalités et violences extrêmes.

Je considère essentiel de ne pas endosser des interprétations culturalistes simplifiées, comme celles soutenues par Samuel Huntington et sa thèse du « choc de civilisations », critiquée avec pertinence par plusieurs auteurs dont Edward Saïd, tous les deux déjà décédés.

Il est important de réaffirmer encore une fois : des interprétations qui cherchent à attacher les actions terroristes à des religions ou à des cultures, de façon générique et réduite, ne sont pas du tout ni soutenables ni endurables.

Pour ce faire, il suffit d’évoquer Malala Yousafzai, jeune pakistanaise âgée de seulement 17 ans, de famille musulmane, qui a obtenu le prix Nobel de la paix en 2014. Comme on sait, Malala a été victime des talibans en raison de sa lutte pour le droit à l’éducation des filles dans son pays.

Malala Yousafzai symbolise les principales victimes de l’extrémisme et du terrorisme : les populations musulmanes, notamment les populations civiles, les enfants et les femmes.

Malala symbolise tous ceux qui luttent pour le droit à l’éducation et à la liberté, sans distinction de religion, de culture ou de nationalité.

Kátia Gerab Baggio
Professeure d’Histoire des Amériques de l’Université fédérale de l’état du Minas Gerais

Traduit du portugais par Lorenzo Baroni Fontana

Published in: on 12 janvier 2015 at 4 h 56 min  Laissez un commentaire  

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